Intervention dans le cadre de la discussion générale concernant les projets de budget de la Région bruxelloise pour 2020. La discussion complète est disponible ici.
J'ai écouté en commission les exposés budgétaires relatifs à l'environnement et au bien-être animal. J'ai eu l'occasion de mettre en avant plusieurs éléments qui m'ont interpellée. Si j'ai obtenu des éclaircissements sur certains, il reste des lacunes pour d'autres.
Je regrette le manque de moyens alloués au bien-être animal, notamment aux organismes qui luttent contre la maltraitance. Chacun s'accorde à dire que cette thématique est devenue primordiale aux yeux des Bruxellois. Cette tendance a d'ailleurs été confirmée par un récent sondage réalisé par Ipsos à la demande de GAIA : le bien-être animal figure désormais parmi les dix principales préoccupations citoyennes à Bruxelles, derrière la recherche scientifique et devant la propreté publique. Il est dès lors regrettable que le budget affecté à cette matière reste aussi réduit que l'année passée.
Il est dommage d'entendre que Bruxelles Environnement ne compte que trois personnes chargées du contrôle du bien-être animal pour l'ensemble du territoire de la Région. Ce nombre est dérisoire. Un recrutement serait en cours pour pourvoir aux postes de deux personnes qui auraient quitté le service, mais cinq inspecteurs, cela reste très insuffisant. J'ai été informée du fait que leur nombre ne serait pas augmenté.
Le personnel d'inspection représente 1 % du service de Bruxelles Environnement. Il est compétent pour contrôler le bien-être animal dans les laboratoires, les élevages, les marchés, les animaleries, les refuges et tous les autres lieux où se trouvent des animaux, y compris chez les particuliers. Comment ne pourrait-il pas y avoir d'abus dans ces conditions ? Nous avons d'ailleurs constaté les suites très tardives et laxistes que le service a réservées au récent cas de négligence animale dans le seul élevage de bovins de la Région.
Plus largement, il y a beaucoup à faire pour améliorer les services de lutte contre la maltraitance animale, y compris pour le formulaire de dépôt de plainte, beaucoup trop rigide, ou dans la formation des policiers à la prise en charge des cas de maltraitance animale. Ce dernier point est inscrit dans la note budgétaire, et j'espère vivement qu'il sera correctement réalisé.
Enfin, contrairement au ministre, je ne suis pas d'accord sur le fait que la saisie d'animaux doive être la mesure en dernier recours. Cela signifie que les animaux ne sont pris en charge que lorsque leur vie en dépend. Ce n'est pas acceptable. Le ministre a annoncé qu'un audit du service du bien-être animal de Bruxelles Environnement était en cours et je suis impatiente d'en connaître les résultats. J'espère qu'il débouchera sur une évolution positive du service.
Je regrette aussi que les refuges bruxellois ne soient pas davantage subventionnés. Je ne dois pas détailler le lourd travail de réception, d'entretien et de soins aux animaux que ces organismes doivent effectuer.
Beaucoup de ces institutions se trouvent dans des situations financières difficiles et dépendent des dons versés par les particuliers, alors que leur mission est d'utilité publique. La somme de 55.000 euros est octroyée à des asbl. En consultant la liste des organismes bénéficiaires en 2019, l'on se rend compte que seuls un refuge et un centre de revalidation pour la faune sauvage sont concernés. Mis ensemble, ils n'ont même pas reçu la moitié de ce budget. Par ailleurs, il est possible de soutenir indirectement les refuges dans leur travail, notamment par des campagnes d'incitation à l'adoption plutôt qu'à l'achat auprès d'éleveurs ou d'animaleries. La note prévoit des campagnes de sensibilisation à l'importance de la stérilisation des chats, ce qui est une très bonne chose. Je pense néanmoins qu'il y a moyen d'en faire bien plus. On aurait pu imaginer, par exemple, d'octroyer des primes régionales pour l'adoption et la stérilisation d'animaux, comme le font déjà certaines communes. Peut-être est-ce là une piste de réflexion pour l'avenir.
La note prévoit en outre de diminuer progressivement le nombre d'animaux d'expérience, de lancer un appel à projets pour la recherche de méthodes alternatives, d'entamer une réflexion sur la création d'un comité d'éthique ou encore de mettre davantage l'accent sur la règle des 3R (remplacement, raffinement et réduction des tests sur les animaux). Il s'agit à nouveau d'objectifs très vagues et non contraignants. La règle des 3R est un concept qui existe depuis des décennies et qui est déjà largement repris dans la directive européenne de 2010. Par ailleurs, les comités déontologiques n'ont jamais adopté de stratégies concrètes visant à faire baisser significativement les statistiques en matière d'expérimentation animale. Si l'intention de la note est louable, je crains qu'elle ne reste lettre morte sans objectif contraignant.
Pendant la précédente législature, une note bien plus ambitieuse avait été déposée par la secrétaire d'État au bien-être animal. Elle prévoyait une réduction de 30 % de l'expérimentation animale à l'horizon 2025. Aucune suite n'a malheureusement été donnée à cette ambition. Je me demande pourquoi celle-ci n'a pas été reprise à l'entame de la nouvelle législature. On constate que des objectifs comparables, qui ont même bien plus de conséquences pour les Bruxellois, sont parfaitement possibles, notamment concernant le climat. Dès lors, je ne comprends pas pourquoi la souffrance des dizaines de milliers d'animaux (82.000 en 2018) utilisés dans les laboratoires bruxellois ne donne pas lieu à des mesures plus concrètes.
Quant à la mission budgétaire relative au soutien apporté au secteur agro-alimentaire, j'entends à nouveau un objectif de développement d'une alimentation saine, de qualité, de proximité, basée sur les circuits courts. Je suis heureuse de constater que le gouvernement comprend l'importance d'une transition alimentaire pour répondre aux enjeux climatiques et sociaux. Certaines stratégies sont évidemment porteuses de sens, comme le renforcement du développement d'une production alimentaire végétale bruxelloise. Toutefois, il y a à nouveau un gros manquement, les anglophones diraient qu'il y a un éléphant dans la pièce. Je pense à l'impact de la consommation de viande sur le climat et sur la santé publique, sans parler du bien-être animal.
Je ne vais pas détailler une nouvelle fois les effets désastreux de la production de viande, que ce soit sur le plan de l'utilisation des sols, de la déforestation ou des émissions de gaz à effet de serre, y compris dans les élevages wallons. Le gouvernement a annoncé, à plusieurs reprises, vouloir lutter contre les émissions indirectes de gaz à effet de serre. Il passera à côté de son objectif s'il ne prend pas cette problématique au sérieux. Elle ne fait même pas partie des grands axes de la stratégie Good Food. La part de la viande y est mentionnée de façon secondaire et la note budgétaire n'y fait nulle part allusion, ce qui m'interpelle particulièrement.
Je termine en attirant l'attention sur la question des circuits courts qui est plusieurs fois mise en avant tant dans le programme environnemental que dans celui du bien-être animal. Il faut rappeler que l'élevage intensif reste la norme partout en Belgique. Pour ce qui concerne les produits animaux, le circuit court n'est donc pas du tout une garantie de bien-être animal, puisque dans notre pays, 90 % des cochons et des poulets ne voient la lumière du jour qu'au moment de leur transport vers l'abattoir. Ce n'est pas une garantie environnementale non plus, puisque beaucoup d'élevages aviaires ou porcins importent des céréales depuis des pays comme l'Amérique latine.
Je profite donc de cette discussion sur le budget pour vous rappeler qu'il est indispensable et urgent de prendre des mesures fortes.